Remaniement : indisciplinés sur sièges éjectables
La motion incidentielle surprise de l’élu PPRD du Mont Amba qui a
trouvé la faille et arrêté net le rouleau compresseur Kanku, annonce un
profond tsunami. La coalition majoritaire avait trouvé bien de failles
dans la motion Kanku et préparé sept cartouches -motions- pour le
contrecarrer
Plus de peur que de mal. Adolphe Muzito et son gouvernement ont été
épargnés du laborieux exercice requis pour sortir sans égratignure à la
suite d’une motion de défiance. D’aucuns diraient qu’il a été sauvé de
justesse et d’autres regrettent qu’ont ait pas laissé le temps au
Premier ministre de démolir les accusations portées contre lui. Qu’à
cela ne tienne, la mauvaise interprétation de certaines dispositions du
règlement intérieur et de la Constitution a donné la faille, ouvert la
brèche à la Majorité qui a pu sauver Muzito. Le décor était pourtant
planté pour la chaude confrontation Kanku-Muzito. La salle du congrès
était pleine à craquer. Il y avait la tension. Les militants du PALU
étaient venus nombreux soutenir leur camarade du parti, pressenti
dauphin de leur dieu, Antoine Gizenga. Samedi 17 octobre 2009 quand la
parole est donnée à l’auteur de la motion de défiance, Clément Kanku,
c’est la surprise, l’inattendue. Le député PPRD du Mont Amba, Pius
Muabilu Mbayo Mukala, demande la parole pour lever sa motion
incidentielle. Boshab réplique et lui demande un peu de tolérance,
juste le temps que Kanku expose sa motion qui accuse Muzito
d’immobilisme et de mégestion des finances publiques. A peine Kanku
avait fini de parler, en Français et Lingala, dénonçant le Kanyaka -la
corruption-, Muabilu, prend la parole, à son tour. Il sort l’arme
fatale, l’une des 7 cartouches soigneusement préparées durant des
jours, à l’Hôtel Memling, puis dans un autre Palace de la capitale
RD-congolaise, par des députés de la Majorité soucieux de son unité. La
demande de rejet de Jean-Pierre Lisanga et Thomas Luhaka, pour le
compte de l’opposition, n’y a rien fait. Deux autres députés de la
Majorité, Vital Budu et Bonyoma, appuient Muabilu. La guerre
d’interprétation des textes fait rage. Ni le Bureau, ni la conférence
des présidents ne peuvent se substituer à la plénière qui, elle, est
souveraine, tranche Boshab. Muabilu a fait mouche. Le vote est sans
appel: 327 pour, 69 contre, 44 abstentions. La Majorité a retrouvé sa
cohésion. Derrière le député se cache l’ombre de Joseph Kabila, le chef
du PPRD, autorité morale de l’AMP, le chef de la Majorité. Kabila a
envoyé un signal fort à la classe politique. Il est respectueux de la
parole. Il a sauvé l’accord. Tout l’accord. Rien que l’accord… et son
Premier ministre. La tempête passée, le cap est désormais mis sur le
remaniement. Film.
Clément Kanku se souviendra encore longtemps du démineur Pius Muabilu,
ce député PPRD, son frère kasaïen, qui a bloqué net le rouleau
compresseur qu’il avait mis en marche contre le Premier ministre
Adolphe Muzito. Kanku ne l’aurait pas emporté de toutes les façons. La
coalition, signale-t-on des sources sûres, avait trouvé bien des
failles dans sa motion et préparé sept cartouches -motions- pour le
contrecarrer. Une façon de dire qu’au cas où la motion Muabilu avait
trébuché, 6 autres seraient venues à son secours. La victoire de la
majorité sur l’opposition est une preuve que Kabila tient au respect
des accords. Mais aussi que Kabila peut tout décider. Un jour pas comme
les autres. La pluie, qualifiée de bénédiction, s’abattait sur la ville
de Kinshasa. L’assistance et les députés l’ont bravée. Les gens ont
rempli la salle du congrès du Palais du peule en tenues mouillées. Le
cœur de certains battait du fait que l’événement était de taille et que
la survie ou la chute du gouvernement Muzito en dépendaient. Le décor
était bien planté quand Boshab, speaker de la chambre basse du
Parlement, rappelle les dispositions du règlement intérieur en rapport
avec l’assistance, la recevabilité de la motion de défiance, le débat
général et le vote de ladite motion. Il annonce aussi la procédure à
suivre et indique qu’il y aura 300 minutes de débat, soit cinq heures
de temps en tenant compte de la répartition faite suivant les groupes
parlementaires. La réplique du Premier ministre allait suivre avant de
passer au vote.
La parole est donnée à l’auteur de la motion de défiance, Clément Kanku
Bukasa wa Tshibuabua. Du coup, surprise. Pius Muabilu, député PPRD,
demande la parole pour lever sa motion incidentielle. Boshab lui
demande de garder sa patience, juste le temps que son collègue expose
sa motion de défiance. Clément Kanku fait une mise au point avant de
livrer le contenu de sa motion. Il accuse Muzito d’immobilisme et de
mégestion des finances publiques. En Lingala, l’opposant fustige la
pratique de Kanyaka -la corruption. Kanku demande à la plénière de
voter en faveur de sa motion afin que le Premier ministre puisse rendre
le tablier. Avant de passer au débat, la parole est accordée à Pius
Muabilu pour sa motion incidentielle. Le député PPRD a préparé l’arme
fatale. Une cartouche qui, une fois lâchée, pulvérise l’opposition et
neutralise la motion de Kanku. Ce dernier se plaindra plus tard d’être
victime d’une cabale. De sources sûres, il nous revient que cette
motion a été mitonnée par des députés PPRD soucieux de l’image de
Kabila et de la cohésion de la Majorité, une semaine avant, à partir de
l’Hôtel Memling où ils se réunissaient alternant avec un autre Palace
de la place. «En dehors de la motion de Pius Muabilu, il y en avait six
autres de la même calibre», précisent les mêmes sources. Comme pour
dire que la coalition AMP-PALU-UDEMO s’était bien préparée pour faire
échec aux ambitions de l’opposition.
Quand Muabilu monte à la tribune, il fait savoir que sa motion
incidentielle fait suite à celle de défiance. Il se base sur les
articles 67 et 70 du RI de l’Assemblée nationale et 196 de la
Constitution. Du coup, l’élu de Mont Amba renverse les tendances et
balaie le contenu de la matière du jour. Cela s’appelle la remise en
question. Ça fait mal.
«Au regard du statut constitutionnel du Premier ministre, la motion de
défiance levée par notre collègue Kanku viole l’article 144, alinéa 2
de notre Constitution, elle est entachée des irrégularités et doit être
rejetée par notre plénière», plaide-il. En rapport avec l’article 69 du
RI de l’Assemblée nationale, cette motion doit être traitée avant toute
autre matière. Boshab la soumet au débat. Quatre interventions sont
enregistrées, deux pour et deux contre.
Remaniement en trombe
Lisanga Bonganga et Thomas Luhaka, tous de l’opposition, sont contre la
motion incidentielle. Lisanga fait savoir que le Premier ministre est
membre du gouvernement conformément à l’article 69 de la Constitution.
Il évoque la correspondance du président Boshab adressée à Kanku le
félicitant pour sa motion que le Bureau et la Conférence de présidents
ont jugée recevable sur le fond et la forme. Thomas Luhaka embraye dans
le même sens en indiquant qu’on ne peut pas faire un distinguo entre le
Premier ministre et les autres membres de son gouvernement, ajoutant
que Muzito qui avait demandé le report du débat suite au décès du
ministre André-Philippe Futa, était finalement prêt. Pius Muabilu
reçoit du soutien. Vital Budu et Bonyoma prouvent le contraire de ce
que Lisanga et Luhaka ont affirmé. Ils démontrent que conformément à
l’article 51 du RI et 147 de la Constitution, il y a tricherie dans la
motion de défiance quant aux conséquences y relatives. Ladite motion ne
viserait pas la personne de Muzito mais tout son gouvernement. «Le
Premier ministre a une autre qualité. Il est nommé par un acte
juridique seul et contresigne avec le président de la République l’acte
juridique qui nomme les autres membres du gouvernement», fait remarquer
Bonyoma en précisant que le Premier ministre ne peut être sanctionné
que par une motion de censure et non celle de défiance. Les députés de
la Majorité montés à la tribune proposent à l’auteur de la motion
d’aller reformuler sa requête en la transformant en motion de défiance
pour chaque ministre concerné et en celle de censure pour le Premier
ministre. Ce n’est pas pour demain. La motion de censure doit
recueillir 125 signatures pour être jugée recevable et doit être
examinée par les deux chambres réunies en Congrès. C’est l’argument
massue de Pius Muabilu. Comme pour dire qu’on ne peut pas renverser un
Premier ministre si facilement. Ça serait consacrer l’instabilité
politique et la fragilisation du gouvernement. Précision de taille, la
motion de défiance ne requiert que 10% des membres qui composent la
chambre basse du Parlement, soit 50 signatures.
L’équation se complique pour l’opposition et la guerre d’interprétation fait rage.
Boshab, quant à lui, décline toute responsabilité en faisant savoir
qu’il s’agisse du Bureau de l’Assemblée nationale que de la Conférence
des présidents, l’organe de prise de décision reste la plénière qui est
souveraine. De ce fait, il soumet la motion incidentielle au vote.
Muabilu fait mouche. Le vote est sans appel: 327 pour, 69 contre, 44
abstentions. La Majorité a retrouvé sa cohésion. «Par voie de
conséquence, déclare Evariste Boshab, l’Assemblée nationale adopte la
motion incidentielle de Pius Muabilu et rejette la motion initiale de
Clément Kanku pour n’avoir pas rempli les conditions requises». N’ayant
aucune autre matière à traiter, Boshab congédie les membres du
gouvernement et suspend la plénière. Dans le camp de la coalition,
c’est l’allégresse. Derrière le député se cache l’ombre de Joseph
Kabila, le chef du PPRD, autorité morale de l’AMP, le chef de la
Majorité. Kabila a envoyé un signal fort à la classe politique. Il est
respectueux de la parole. Il a sauvé l’accord. Tout l’accord. Rien que
l’accord… et donc son Premier ministre. La tempête est passée. En deux
sorties, Muzito a pu passer son budget et se tirer des griffes de
Kanku, grâce à l’appui des siens. Le cap est désormais mis sur le
remaniement. Et on fait état d’un profond tsunami. Des bouleversements
de taille sont annoncés. Les premiers vont concerner des alliés et des
ministres indisciplinés. L’autre vague, la deuxième, va toucher des
cadres à la présidence de la République, indexés pour compromission. La
troisième va nettoyer la chaîne financière, Kabila étant déterminé à ne
pas rater le rendez-vous du Point d’achèvement.
Source : Africa News