JP Bemba : la CPI prépare le terrain à Bangui !
Le bureau de la CPI à Bangui vient de lancer, le
lundi 13 octobre 2009, un nouveau programme de sensibilisation dénommé
« demandez à la Cour ». Ce programme met en combinaison une série de
visites dans l'arrière pays ainsi que la diffusion, à travers les
médias audiovisuels, de 13 épisodes de 4 à 5 minutes portant sur le
dialogue entre les membres de la CPI et le public centrafricain.
Les vidéos diffusées ont d'abord été visionnées par un groupe de
journalistes centrafricains. Elles seront lancées à la télévision
nationale entre octobre 2009 et janvier 2010. Elles montrent, entre
autres, le président de la CPI, M. Sang Hyun Song, le greffier Silvana
Arbia et le chef de la division compétence Béatrice Le Frapper en train
de répondre à une série de questions directement posées par des
personnalités et des anonymes.
Les questions concernent principalement le président El Béchir du
Soudan et Jean-Pierre Bemba. En rapport avec le premier, la CPI
s'échine à expliquer comment le président soudanais continue à voyager
à travers le monde, en dépit du mandat d'arrêt délivré contre lui.
Ensuite, vient une autre série d'explications en liaison avec la
comparution des personnes qui exercent des fonctions officielles devant
la Cour Pénale Internationale. En ce qui concerne le second cas, il est
question de Jean-Pierre Bemba, de ses complices, de la réparation
attendue pour les victimes ainsi que d'une longue série de détails,
dont le lieu de détention d'un criminel après condamnation.
Le programme « demandez à la Cour » fait suite à un premier programme
radio intitulé « Mieux comprendre la Cour Pénale Internationale ». Ce
dernier a fait l'objet, de juillet à octobre 2009, d'une longue
diffusion en sango (langue nationale de la Centrafrique). Des
estimations avancent qu'environ 700 mille personnes ont été touchées
par ce programme.
Le chant du cygne
Ce retour un peu musclé de la CPI à Bangui laisse présager que le
procès Bemba est imminent. Le délai choisi pour la sensibilisation
coïncide assez curieusement avec les prévisions chronologiques de
plusieurs experts en rapport avec le début du procès de Bemba. Beaucoup
avaient avancé le premier trimestre de l'année prochaine. Cela paraît
probable. La Haute Cour ayant donné le signal d'une campagne de
sensibilisation de grande envergure au pays de Bozizé.
Le but de cette grande activité est, nul ne l'ignore, de préparer
l'opinion publique centrafricaine à l'échéance du procès Bemba. Dans
cette affaire des témoignages décisifs sont attendus de la population,
principale victime des exactions imputées aux troupes du MIc. Pour
éviter des rétractations, des parjures et des reniements comme on a eu
à le constater dans le cas du procès Lubanga, la Cour Pénale
Internationale voudrait parer contre toute éventualité.
C'est là tout le sens du contenu des vidéos destinées à la diffusion
publique. Par exemple, à travers le décryptage du cas El Béchir, la
Cour voudrait rassurer la population centrafricaine sur le pacte de
l'impunité qui fonde le statut de Rome. Car au-delà de ce cas, c'est
toute une jurisprudence qui s'impose sur le plan international.
Partant, les Centrafricains craignent de tomber dans le piège de
l'absurdité. Ils savent que Ange Félix Patassé devra, d'une manière ou
d'une autre, répondre un jour, comme témoin à charge ou à décharge,
dans l'affaire Bemba. Pourtant, à la faveur de la présidentielle de
2010 qui s'annonce à Bangui, rien n'exclut un retour en force de
l'ancien président. Surtout que Kadhafi a pris le parti de le défendre
sans réserve.
Pourtant, toute l'opinion centrafricaine tient le président déchu pour
complice de Jean-Pierre Bemba. Que se passerait-il si ce dernier
revenait aux affaires ? Ne tentera-t-il pas, tout le long du procès
Bemba, de brouiller toutes les pistes au grand dam des populations ? Il
suffit de déclencher une chasse impitoyable à l'homme pour faire taire
tous les témoins à charge au sein de la population. C'est toute la
raison de la question se rapprochant, primo, au sort réservé aux
complices de Bemba, et secundo, à la comparution des autorités en
fonction. Comme on peut le constater, la CPI sait qu'il y a beaucoup de
zones d'ombre qui risquent de déteindre sur le bon déroulement du
procès Bemba. Elle essaie donc de les éclaircir en amont.
Pas dupes
En vérité, les Centrafricains ne sont pas des enfants de chœur. Tant
qu'ils n'auront pas la garantie que Patassé sera poursuivi dans
l'affaire Bemba, ils ne pourront croire à la justice internationale.
Car, quel que soit l'angle où l'on prend le problème, il serait absurde
de s'en prendre au vice-président congolais pendant que celui qui l'a
invité à Bangui se la coule douce ou à tout le moins, n'est pas entendu
sur l'affaire. La situation prendrait tout de suite l'allure d'une
vilaine comédie. Cela reviendrait à arrêter le fumeur de chanvre
pendant que le fournisseur effectue une promenade de santé dans la
cité. La Cour Pénale Internationale a du pain sur la planche.
source : le Palmarès /Kinshasa