Kamerhe : ni jamais ni toujours !

La presse a plusieurs facettes. Arme redoutable, elle crée et défait les rois. Indicateur de la démocratie, elle est à la fois lance-voix de la majorité silencieuse, instrument de propagande des partis politiques et courroie de transmission de l’Etat. Utilisée avec parcimonie et responsabilité, elle assure la permanence dans la haute sphère du pouvoir.

La presse installe dans le doute et l’isolement lorsqu’elle est axée sur une stratégie de manipulation, de délation ou de recherche effrénée du pouvoir et de l’intérêt personnel. Bref, une presse sans patriotisme, une presse au service de l’extérieur peut dérouter les institutions nationales et leurs animateurs. Une telle presse peut basculer le pays dans une crise politique aux conséquences insoupçonnées.

Est-ce cette presse-là qui serait à la base du désamour Kabila-Kamerhe ? Qui eût cru que la manchette de l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique (Jusqu’où ira Kamerhe ?) allait mettre en mouvement les «  services » qui ont eu, dès cet instant, à suivre pas à pas, gestes et mouvements, déclarations et discours en public ou en privé du président de l’Assemblée nationale ?

La goutte qui fera déborder le vase est malheureusement tombé de la presse. La déclaration malencontreuse de Vital Kamerhe sur Radio Okapi aura renforcé les arguments de ceux qui le traitaient déjà «  d’ambitieux, populiste et grande gueule ». Cette presse qui l’a monté très haut au perchoir de la chambre basse, l’aura descendu sans que ses adversaires politiques lui aient laissé l’occasion de donner sa version des faits. Il n’y a plus de doute : Kamerhe et ses collègues membres du Bureau de l’Assemblée nationale doivent avoir démissionné hier mardi, en attendant les formalités d’usage lors de la rentrée parlementaire du 15 mars. Les chefs des partis politiques, membres de l’AMP, en ont ainsi décidé, soutenant le président de la République dans sa recherche d’une paix durable à l’Est, d’une paix qui passe par l’amélioration des relations diplomatiques et de bon voisinage avec le Rwanda. Dans de telles circonstances, surtout lorsque la responsabilité du président de la République, autorité morale de sa famille politique, est mise à l’épreuve, il n’est pas conseillé d’engager le bras de fer, au risque de confirmer les accusations de l’aile dure de la majorité.

Vital Kamerhe  ne doit pas considérer sa démission comme une fatalité. Il lui reste à démontrer que sa fidélité ne souffre d’aucune suspicion, maintenant qu’il va entrer dans la réserve de la République. En libérant le perchoir de la chambre basse du Parlement, la vraie épreuve de vérité commence pour lui.

Des exemples des cadres faisant un retour en force sont légion. Pendant la deuxième République, Nguz a Karl I Bond qui était passé à deux doigts de la potence a fait, après quelques temps, un come back spectaculaire. Kengo wa Dondo, autrefois considéré par les faucons du MPR comme fossoyeur du régime Mobutu à cause de sa politique de rigueur, n’est-il pas revenu plusieurs fois à la Primature ? Qui eut cru qu’il deviendrait président de la Chambre haute ? Que dire de Mungul Diaka, Kamitatu, maintes fois humilié par le Président-Fondateur, maintes fois revenu aux affaires ?

L’ancien dauphin du président Abdoulaye Wade, s’était vu reprocher à tort ou à raison sa gestion des chantiers de Thès, sa ville natale, dont il était le maire. Il est resté en prison de juillet 2005 à février 2006. En janvier 2009, Idrissa Seck est revenu comme un messie, pour constituer avec le même Wade qui l’avait humilié une famille politique à l’image de l’ AMP.

Je pourrais multiplier les exemples ( pour convaincre Vital Kamerhe), tous convergent vers ce beau mot d’un sage : «  En politique et amour, ni jamais ni toujours ».

Source : le Potentiel/Kinshasa